holy ground ♕

- emma watson + ©ewatsondaily

On a history book page It was the end of a decade But the start of an age

Code:

in three words, i can sum up everything
i've ever learned about life:
                                  it goes on.

"Je ne sais pas faire de discours, Emma, dit-il ; si je vous aimais moins, peut-être pourrais-je parler plus." Elle y était arrivée. Son passage préféré. Son cœur se serra, comme il avait l’habitude de le faire à cette réplique, et elle aurait pu réciter la suite par cœur si elle n’avait pas le livre entre les mains. "Mais vous me connaissez : vous n’avez jamais entendu de moi que la vérité; je vous ai souvent fait des reproches et vous m’avez écouté avec patience. Supportez encore une fois, ma chère Emma, l’expression de la vérité. J’ai toujours été un amoureux bien froid, mais vous m’avez compris, j’espère. Je ne demande maintenant qu’à entendre de nouveau votre voix." Du haut de ses 14 ans, c’était là toute son idéalisation du monde, l’amour entre Emma Woodhouse et Mr Knightley. Mais si c'était témoin d'un soupçon de la réalité, pourquoi Maman avait-elle les yeux gonflés depuis dix jours ? Lily se contorsionna pour essayer de voir sa mère, mais celle-ci n'était plus dans le salon, comme le prouvaient les bruits de vaisselle s'entrechoquant dans l'évier. La banderole "merry christmas" qu'elle avait accrochée au montant de la porte pendait désormais misérablement, belle métaphore de leur réveillon. Le seul moment où elle s'était sentie festive, c'était quand Maman lui avait offert quelques heures plus tôt le livre épais à la reliure dorée qu’elle tenait entre les doigts, en lui chuchotant "ça fait sept fois que tu l'empruntes à la bibliothèque." avec un essai de sourire entre les larmes qui se pointaient. Dans la réalité, Mr Knightley se barre et laisse Emma avec deux enfants et le cœur passé à la centrifugeuse. Lily laissa retomber le livre sur ses genoux quand on vint s'asseoir près d'elle. La longue silhouette alourdie par tout le poids du monde. "Merry christmas", souffla Derek, mi-cynique, mi-tendre. "Merry christmas" répondit Lily, cherchant la main de son frère pour la serrer. Il eut un sourire, auquel elle n'aurait jamais pu croire, et soupira. "Allez, au lit maintenant, fillette."

Code:

il ne faut pas craindre la lumière du soleil sous prétexte qu'elle n'a jamais servi qu'à éclairer un monde misérable.

"Serrez-vous les enfants ! Derek, lâche la floche de ta soeur tout de suite ! … A droite, plus à droite, - l'autre droite, Lily ! Ma droite ! - on ne voit pas le lycée. Encore un peu… Stop, c'est bon. Souriez… Attendez, j'ai oublié d'enlever le cache. … Oh, comme si ça ne vous était jamais arrivé ! Excusez-moi de vouloir avoir la photo parfaite pour la graduation de ma fille, je suis si fière de toi ma Lilounette. [Maman !] Oh c'est ça, faites les blasés tous les deux, envers votre pauvre mère qui a toujours voulu votre bien. … Qu'est-ce qu'il est mignon, celui-là, en vert. C'est un de tes amis, Lily ? Vous feriez des enfants mervei- Oh ça va, Derek, tu n'as pas d'humour, on dirait ton grand-père. Bon, souriez maintenant. […] POUR L'AMOUR DU CIEL, LÂCHE LA FLOCHE DE TA SOEUR !"

Code:

we're holding on to the pain because that's all we have left.

"Lily, Lily, calme-toi."
"J'ai rien pu faire, j'ai tourné mais c'était trop tard, et je voulais pas y aller, c'est Tim qui insistait et-"
"Lily, inspire. Compte jusque à 5, et explique-moi ce qui se passe."
"Je suis tellement désolée, Derek, je sais que t'es occupé, mais je savais pas qui appel-"
"T'es où ?"
"Aux urgences."
"J'arrive."


Il avait insisté. Elle n'avait pas voulu y aller, tout ce qu'elle voulait c'était rentrer chez elle, regarder un peu la télé, probablement une de ces émissions de compétition culinaire, puis aller se coucher et basta. Mais il avait insisté, utilisé sa petite voix douce qui se voulait persuasive, et qui, avec la spirale de son dernier cocktail, lui donnait plutôt envie de vomir. Son frère lui disait toujours que, ce qui causerait sa perte, c'était son incapacité à dire non. Oh, comme il se trompait, dans sa sagesse. "Tim, je t'assure, j'ai un peu mal à la tête, je crois que je devrais rentrer…" "Allez, viens. Live a little." Elle avait soupiré dans le combiné, et avait presque pu entendre son sourire de l'autre côté des ondes. Elle n'aurait pas dû. Elle ne pouvait pas savoir. Elle aurait dû.
La fin de l'insouciance sur une petite route de banlieue. Ils ont vieilli d'un coup, d'un seul, tous les deux. Elle et lui. Le cocktail avait été lourd, car c'est comme ça qu'Elsa les aimait. Lily n'avait rien à craindre, puisqu'elle rentrait à pieds. Mais Tim avait insisté, car c'était ce qu'il savait faire le mieux. Il était félin dans ses mouvements, pourtant ses paroles avaient quelque chose de reptilien, le serpent du livre de la jungle dans un pull H&M. La vieille Buick s'en allait à une nonchalante allure de croisière sur la route mal éclairée, alors que la tête de Lily se faisait lourde, lourde. Elle le vit une seconde trop tard, ou peut-être qu'elle ne le vit jamais. Peut-être que le bruit sourd du choc fit reconstituer la scène à son cerveau influençable. C'était si discret, si doux. On imaginerait un plus grand fracas, quand une vie se brise. Seuls les freins sur le gravier eurent un peu d'attention.

Mike, 9 ans.
La danseuse prit ses jambes, et s'en alla avec son enfance dans la boîte à gants.  

Code:

il en est des pires, il en est de meilleures, mais à tout prendre, qu'on se pende ici, qu'on se pende ailleurs…                                              s'il faut se pendre.       

Maman,
Tout se passe bien. J'ai trouvé un petit boulot, chez un antiquaire. C'est pas le rêve, la paie, mais ça m'occupe l'esprit. Derek s'est déjà fait des amis. Je veille sur lui. Ou c'est lui qui veille sur moi, je ne sais pas trop. Mais tu nous a toujours dit que tant qu'on était là l'un pour l'autre, tout irait bien, alors c'est ce qu'on fait.
C'est vraiment pas très grand, comme ville, Mt Juliet. Tu en as vite fait le tour. C'est pas le top, pour se changer les idées, mais on fait avec. Je crois que c'est Derek qui vit ça le plus mal, tu sais bien lui et son goût de l'animation. Les gens sont gentils, cela dit. Je ne pense pas que je vais jamais me sentir chez moi, ici, mais j'apprends à découvrir l'endroit, et il y a quelque chose de beau dans la petitesse.
Moi, ça va. Je fais des cauchemars, mais c'est bien la moindre des choses. Je voudrais en faire plus, par politesse. Je voudrais être incapable de dormir une seule seconde. Je sais que j'ai laissé mon permis de conduire à la maison, c'était volontaire.

Je suis désolée qu'on soit partis comme ça. Pour lui. Mais tu nous as élevés à avoir de la compassion, donc je suppose que c'est de ta faute. Pas d'améliorations à son état, les médecins sont fatalistes. Si c'est ça, le karma, j'attends patiemment ma sentence.

Love,
L.